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Il disait « ne travaille jamais ! »

Raphaëlle Milone

Dachy Vivant

Veröffentlicht am 11.07.2019

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Vivant, je ne l’appelais jamais Dachy, je l’appelais Marc. On ne peut pas s’empêcher de les transformer, les morts. Ils nécessitent un traitement spécial. Je l’ai rencontré deux mois avant de faire une tentative de suicide, en mai 2014. J’avais vingt-deux ans. Un ami, C., nous a présentés ; ce devait être fait. J’étais en train d’élaborer le premier numéro d’un fanzine, que j’avais choisi d’appeler OROR. La première chose que j’ai expliquée à Dachy, c’est qu’OROR était la moitié lumineuse de Maldoror. Je crois me souvenir que cette déclaration lui a fait joindre ses deux mains près du poitrail, comme lorsqu’on attend la fin imminente de l’opéra pour applaudir. Bien plus tard, un matin, et c’était devenu une habitude, j’ouvris une grande enveloppe kraft sur laquelle je reconnaissais l’écriture inimitable, archaïque, cunéiforme, et pourtant tracée à la plume, souvent verte la plume, purpurine quand ça le prenait, de mon ami ; à l’intérieur, trois fac-similés. C’était MERZ, la revue de Tzara, rééditée par Dachy. En découvrant les crédits de la réimpression, j’éclatai de rire : « 1998 - Mouvement Art Libre (M.A.L.) ». On s’était bien trouvés.

J’ai interviewé Dachy pour OROR, afin qu’il reste un témoignage de ce que fut sa revue, Luna Park, ainsi que de ses autres ouvrages de recherche sur Dada ; dans ce qu’il appelait « la villa », un bureau de huit mètres carrés, au dernier étage d’un immeuble situé à l’angle de la rue Campagne-Première et du boulevard Montparnasse. Au centre le bureau sous des colonnes hélicoïdales de papiers ; la fenêtre si grande par rapport à l’espace de la pièce que l’on souffrait de terribles vertiges ; les piles de livres tout autour, en désordre, s’écrasaient au plafond. Rares, précieux, bizarres les livres de Dachy. 

Lors de l’entretien (1. OROR fanzine no. 1 ; vidéo sur www.oror-fanzine.net) (je ne sais plus si nous avions consommé de la drogue, mais c’était tout comme), il raconte d’abord comment, à vingt ans, tout juste extirpé de sa province, il est allé à New York dans le but d’alpaguer Burroughs afin d’obtenir un entretien pour le premier numéro de Luna Park ; il le rencontre à la fin d’un récital. Il me montre une photo d’eux, Marc n’est pas comme maintenant, il est très brun, très maigre, mais je reconnais l’ourlet de sa lèvre inférieure. Burroughs et Dachy jouent aux échecs. 

Puis, deux heures durant, Dachy déverse un torrent de noms, les organes, les os, les tissus de l’histoire de Luna Park ; et me ramène à mes lectures et passions...

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